Revue d’information du Bureau des Mines et de l’Énergie (BME)

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LES SOURCES THERMALES

Définition
Les sources thermales dites sources chaudes sont des résurgences naturelles d’eau souterraine dont la température est supérieure à celle du milieu ambiant ou à celle du corps humain estimée en moyenne à 37°C. L’eau chaude obtenue est communément appelée eau thermale qui peut être économiquement exploitée par une station thermale. La gamme des débits de ces types de sources peut être très faible ou très élevée, allant du simple ruisseau à une véritable rivière. L’eau est captée pour former des bassins destinés aux baigneurs.

             Un bassin d’eau thermale

Définitions de termes connexes

Résurgence: réapparition à l’air libre, sous forme de grosse source, de l’eau de pluie accumulée dans le temps, dans les nappes souterraines ou à l’intérieur des cavités du sol.
Thermalisme: ensemble des activités menées dans une station thermale liées à l’exploitation et à l’utilisation des eaux thermales à des fins récréatives ou thérapeutiques. Le terme « Spa, Sanitas per aqua » est utilisé pour désigner littéralement, la santé par l’eau.

Thermes : mot provenant du latin thermae définissant les bains publics chauds, caractéristiques de la civilisation impériale romaine.

Géothermie : du grec geo (terre) et thermos (chaud), science qui étudie les phénomènes thermiques internes du globe et la technique qui vise à les exploiter.

Station thermale : établissement dans lequel sont aménagés des centres spécialisés dans le traitement d’affections diverses par les eaux minérales. A cet effet, les eaux thermales sont captées soit au niveau des sources, soit par forage pour être acheminées jusqu’à la station thermale par l’intermédiaire de pompes et de canalisations, puis utilisées dans le cadre de divers soins thermaux : bains chauds, douches, massages, etc.

Eaux météoriques : type d’eau existant dans le sol depuis longtemps (à l’échelle géologique), et qui provient des précipitations pluviales.

Eaux juvéniles : type d’eau provenant directement des profondeurs du manteau situé sous l’écorce terrestre à environ 2 800 mètres. Cette eau appelée encore eau magmatique ou eau juvénile se dit des fluides très chauds (eau, gaz) dérivant directement d’un magma en fusion situé en profondeur.

Aménagements d’établissements thermaux

Caractéristiques des eaux thermales

Deux critères caractérisent les eaux issues des sources thermales : la température et la minéralisation.

Température
Une eau thermale est d’origine souterraine, sa température, lorsqu’elle atteint la surface, est chaude et augmente avec la profondeur du sol. La gamme de température est très étendue et peut varier entre 20 et 100°C. L’eau d’une source thermale sous pression, ayant une température en surface assez proche de 100°C, sort en état d’ébullition et porte le nom de « geyser ». Si seule la vapeur d’eau sort du sol, on parle alors de « fumerolle ».

Minéralisation
La température élevée des eaux thermales favorise la capacité de dissolution des minéraux présents dans les roches du sous-sol. Au contact des roches dans lesquelles les eaux circulent, elles s’enrichissent de sels minéraux et d’oligo-éléments. La nature de ces éléments dépend des sols traversés, car ils peuvent varier du simple calcium au lithium, parfois même de radium. Le calcium provient par exemple des terrains calcaires, les sulfates du gypse, le sodium et la silice des roches magmatiques ou métamorphiques, etc.

Origine des sources thermales
La source de chaleur émanant des eaux s’explique par deux origines bien distinctes : la géothermie et le volcanisme.

– D’après l’origine géother-mique, la source naturelle de chaleur observée dans les eaux thermales provient de l’énergie géothermique, plus préci-sément du phénomène physique bien connu appelé « gradient géother-mique ». La température des roches augmente en moyenne de 1°C tous les 30 mètres de profondeur, de ce fait, la température des eaux thermales aug-mente de 3°C tous les 100 mètres.

Ainsi, l’eau froide venant de la pluie s’infiltre dans le sol en circulant dans les entrailles de la Terre, elle se réchauffe ensuite au contact des roches situées en profondeur qui jouent le rôle de « chaudière géothermale » et remonte en surface en passant à travers les failles ou fractures de la région. De plus, en atteignant les profondeurs de la Terre, l’augmentation de température de l’eau altère sa densité, ce qui facilite sa circulation et l’aide à remonter vers la surface. Dans ce cas, l’eau n’aura pas besoin de pénétrer à grande profondeur pour atteindre de hautes températures. Ce passage en profondeur lui permet d’emmagasiner une chaleur accumulée depuis des centaines, voire des millions d’années.

 

 

 

Le gradient géothermique

D’après la seconde origine, l’eau souterraine est réchauffée par proximité d’un système volcanique. Dans ce cas, la chaleur s’obtient par contact direct avec une chambre magmatique, ce qui a pour effet d’augmenter la valeur du gradient géothermique. La très haute température thermique variant de 1 000 à 5 000°C qui peut régner dans la poche magmatique est suffisante pour permettre à l’eau sous pression d’entrer en état d’ébullition et sortir à la surface pour former des geysers ou émettre des fumerolles. En certains points du globe, en particulier dans les régions volcaniques où des inclusions de magma sont présentes dans la croûte terrestre, la température de l’eau peut aller jusqu’à 100°C par 100 mètres, ce qui autorise à capter cette énergie géothermique pour produire de l’électricité. Les dégagements gazeux en lien avec le magma et les zones de failles facilitent encore la remontée des eaux thermales en direction de la surface terrestre.

Utilisations des eaux thermales

Les caractéristiques de l’eau thermale liée à une température élevée et à un enrichissement en minéraux lui confèrent des propriétés médicinales avérées justifiant ainsi leur exploitation à des fins thérapeutiques. Les sources thermales sont à l’origine des stations thermales, lieux attractifs de destinations populaires où des soins de santé sont disponibles.

En fonction de leur composition chimique, on trouve des eaux :

o ferrugineuses composées principalement de fer ;
o chlorées basées sur de fortes proportions de chlore ;
o sulfureuses à forte proportion de soufre ;
o sulfatées avec de fortes concentrations de soufre combinées à du sodium, du calcium, du chlore ou du magnésium ;
o bicarbonatées, eaux alcalines dont le principal composé est le bicarbonate.

Les minéraux contenus dans ces eaux possèdent des propriétés médicinales et, de fait, sont bénéfiques pour l’homme. Parmi les bienfaits obtenus, on peut citer, entre autres :
– moment de détente susceptible de réduire le stress, l’anxiété et d’agir de façon bénéfique sur les nerfs ;
– élimination des toxines du corps et la purification du sang à travers la sueur provoquée par la chaleur de l’eau ;
– activation de la circulation sanguine par alternance d’eau chaude et d’eau froide susceptible de provoquer la contraction et la dilation des vaisseaux sanguins ;
– action apaisante pour les affections cutanées et les douleurs rhumatismales liées aux contractions musculaires.

Suivant les minéraux présents dans le sous-sol, la composition des eaux thermales varie considérable-ment, ce qui les rend potables ou impropres à la consommation si leur minéralisation est trop importante. En plus des bienfaits tirés de l’eau thermale, la boue peut également apporter sa contribution aux soins thérapeutiques. Une boue thermale est le résultat d’un mélange entre de l’eau minérale et de l’argile ou du limon. Elle est principalement utilisée en thalassothérapie comme massages ou en forme de cataplasmes pour des problèmes d’articulations. Elle a également des vertus relaxantes et antalgiques pour les muscles grâce aux transferts d’oligo-éléments provenant de la boue vers le corps. Parmi les contre-indications à leurs utilisa-tions, citons particulièrement, les cardiopathies et l’hypertension artérielle.

Par extension, la géothermie désigne aussi l’énergie issue de la Terre (énergie géothermique) qui est convertie en chaleur. Grâce à l’eau très chaude des nappes contenues dans le sous-sol, cette énergie permet de produire de l’électricité dans les centrales géothermiques. Dans le schéma ci-dessous, la source de chaleur naturelle est représentée par une intrusion magmatique chaude, voisine de la surface. Les eaux météoriques s’infiltrent dans le sol à travers des roches perméables avec la possibilité d’atteindre les poches magmatiques chaudes. Ces eaux dites eaux juvéniles ou ces vapeurs surchauffées remontent en surface pour former des fluides géothermiques, porteurs de grandes quantités de calories pouvant être exploitées comme énergie géothermique.

Les sources thermales à travers le monde

Des sources thermales existent dans de très nombreux pays, sur tous les continents. Les pays renommés pour leurs sources thermales sont l’Islande, la Nouvelle Zélande, le Chili, l’Algérie, Taïwan et le Japon. Aux Etats-Unis, il y a aujourd’hui au moins 6 parcs nationaux qui présentent des sources chaudes. Le Japon est situé dans une zone volcanique localisée sur la ceinture de feu du Pacifique et abrite de nombreuses sources chaudes appelées olsen qui constituent une activité touristique populaire.
Les sources thermales ont la possibilité de jouer un rôle économique assez important dans une région. Elles peuvent entrer dans le patrimoine culturel et touristique d’une ville et contribuer à générer des emplois et des revenus. A titre indicatif, le prix forfaitaire d’une cure thérapeutique pendant 18 jours de soins consécutifs avec 4 séances par jour en station thermale varie entre 500 et 1 500 euros en France pour une personne. Les frais d’hébergement et de restauration doublent au minimum le prix d’une cure.

Historique des sources thermales d’Haïti

Les sources thermales sont connues en Haïti depuis plus de 2 siècles, comme en témoignent les faits historiques suivants se rapportant à l’hydrother-malisme et à l’énergie géothermique :

1797 : Les sources chaudes d’Haïti ont été décrites depuis l’époque coloniale par l’Historien de Saint Domingue, Moreau de Saint Méry (1750-1819) dans son ouvrage paru en 1797 « Description topographi-que, physique, civile, politique et historique de la partie française de l’isle Saint-Domingue ».

1924 : Pour compléter et actualiser les observations de Saint Méry, les sources chaudes d’Haïti ont ensuite fait l’objet d’études et d’analyses chimiques par John S. Brown de l’équipe de Wendell P. Woodring du Service Géologique des Etats-Unis d’Amérique (USGS). Lors de leur reconnaissance sur Haïti menée entre 1920 et 1921, a été publié un ouvrage intitulé « Géologie de la République d’Haïti » paru en 1924 qui a consacré tout un chapitre aux ressources d’eau souterraine dont les sources chaudes. Au cours de la même année, John Brown a publié un article scientifique sur le sujet dans « The Journal of Geology » de l’Université de Chicago.

1972 : Un rapport de l’Organisation des Etats Américains (OEA), « Haïti, Mission d’Assistance Technique Intégrée, Vol. III », a été publié sur les Ressources naturelles d’Haïti. Les sources thermales, jadis fréquentées par les colonisateurs Français, puis par les Haïtiens, à cause de leurs vertus curatives, ont fait l’objet de considérations particulières. D’après ce rapport, ces sources, presqu’oubliées de nos jours, constituent des ressources naturelles exploitables et mériteraient de ce fait l’attention des pouvoirs publics en vue de leur utilisation à des fins médicinales et touristiques.

1979 : Dans le cadre de recherches géothermiques financées par l’Organisation Latino-Américaine de l’Energie (OLADE), le Bureau de Recherches Géologi-ques et Minières (BRGM) de la France a étudié en détail les sources chaudes d’Haïti, sur demande du Gouvernement haïtien, à des fins géothermiques.

1980 : Dans les Transactions du 1er colloque sur la Géologie d’Haïti réalisé à Port-au-Prince du 27 au 29 mars 1980, des sujets sur les « Potentiels géothermiques d’Haïti » et « Les sources chaudes d’Haïti » ont été présentés respectivement par Pierre Yvon Beauboeuf et Antilus Loctamard du Département des Mines et des Ressources Energétiques.

1984 : Suite à la première campagne de reconnaissance géothermique menée en 1979 par le BRGM, une seconde fut lancée sur les deux secteurs apparaissant comme les plus prometteurs : Los Posos et la Plaine du Cul de Sac.

1988 : Une synthèse géologique de la République d’Haïti a été confiée au consortium Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM) – Bureau d’Etudes Industrielles et de Coopération de l’Institut Français du Pétrole (BEICIP) de la France après l’appel d’offres international lancé en 1985 par le Ministère des Mines et des Ressources Energétiques (MMRE) sur financement de la Banque Interaméricaine de Développement (BID). La synthèse a débuté en janvier 1987 et s’est achevée en octobre 1988. Dans Le Volume 4 intitulé « Substances énergétiques », a été effectuée une synthèse des travaux réalisés sur la géothermie et les Sources thermales entre 1979 et 1984.

1997 : Un projet de mise en valeur des Eaux Boynes de Sources Chaudes, situées à Anse Rouge a été proposé en avril 1997 à l’Etat Haïtien par AQUARIAN ENTERPRISE S.A., une Société haïtienne établie en 1994. Les études technico-économiques du projet ont été réalisées par la Haitian-American for Economic Development, Inc. (HAFED), basée à Washington, D.C. Ce projet prévoyait : une usine d’embouteillage d’eau minérale ayant une capacité de production de 24 000 à 48 000 bouteilles par jour, un Centre thérapeutique à des fins médicales (orthopédie, dermatologie, rhumatologie) et esthétiques (amaigrissement, cosmétique), un Complexe d’hospitalité associé à des unités d’hébergement individuelles (bungalows) et regroupées (bâtiments à 2 ou 3 niveaux) pouvant accueillir 400 curistes et vacanciers dont 250 hébergés, construction d’un lieu d’accueil au bord de la mer en vue de prodiguer des soins de thalassothérapie, construction de routes, de port d’accostage et d’aérodrome, etc. Une convention a même été signée entre l’Etat haïtien, représenté par le BME, et la Société, pour la mise en marche de ce projet qui n’a pas eu malheureusement de suites.

Connaissance des sources thermales en Haïti

Les sources thermales d’Haïti ont fait l’objet de description et d’études par les colons depuis 1725. Il n’a pas été découvert à date de source bouillante mais de sources suffisamment chaudes comme on les appelle, pour être étudiées à des fins de thermalisme curatif et énergétiques. A date, ces sources sont au nombre de quatre : Sources Puantes, Sources Chaudes ou Eaux de Boynes d’Anse Rouge, Sources de Los Posos et Sources de Dame Marie ou de Jérémie.

Résultats des études menées en matière d’hydrothermalisme

  • Sources Puantes

Localisation. Les Sources Puantes sont situées au coin Nord-Est de la Plaine du Cul-de-Sac, à la base du pied de la Chaîne des Matheux, à une centaine de mètres de la mer en bordure de la route nationale no 1.  Localisées à une douzaine de kilomètres de Port-au-Prince, elles sont séparées de la mer par un marais de mangliers et dégagent une forte odeur caractéristique de sulfure d’Hydrogène (H2S), perçue à des centaines de mètres, d’où l’appellation de Sources Puantes donnée à ces eaux. La teneur élevée en soufre combinée à l’hydrogène explique la puanteur très caractéristique de la zone.

Origine des sources. Les Sources Puantes sont d’origine tectonique. Elles sont constituées d’un mélange complexe d’eau météorique et d’eau de mer. L’eau météorique provenant de la pluie, s’infiltre dans le sol jusqu’à environ 2 000 mètres de profondeur, se charge de certains minéraux et acquiert une température de l’ordre de 40 à 50°C, puis remonte en surface le long des failles bordant le côté Nord de la Plaine du Cul-de-sac. Quant à l’eau de mer située à proximité des sources, elle est responsable de leur haute salinité ainsi que de leur contenu en sulfure. Pour expliquer la présence des gaz sulfureux au niveau des Sources Puantes, une première théorie souligne que l’eau de mer se modifie par lessivage des dépôts vaseux et d’évaporites des marécages du bord de la baie, dépôts constitués essentiellement d’argiles riches en minéraux et en produits organiques entraînant la production de H2S et de gaz carboniques (CO2). Une autre théorie avance que le sulfure d’Hydrogène est probablement le résultat de diverses réactions chimiques se produisant entre les matières organiques présentes dans les roches traversées par l’eau montante. Rappelons que le sol qui environne la source est constitué d’un marais de manglier chargé de matières organiques qui sont transmises sans doute en quantité considérable aux couches inférieures.
Le mélange entre ces deux eaux se fait en diverses proportions donnant des caractéristiques différentes des sources identifiées dans la zone.

Caractéristiques des sources

 Température. A l’émergence, la température est en moyenne de 32,7°C d’après les mesures faites par Woodring en 1924. En 1983-1984, les températures sur les deux sources relevées par le BRGM étaient respectivement de 32,6°C et 33,2°C.

 Minéralisation. Le tableau ci-dessous emprunté à Woodring et al. en 1924 donne en partie par millions (ppm), la composition chimique des Sources Puantes :

Le radical de sulfate est estimé à 872 ppm, le taux de sodium et de potassium s’élève à 3 930 ppm alors que le radical de chlorure est à 6 627, ce qui explique la présence du gaz sulfureux et la salinité des Sources Puantes. Il est à noter que la minéralisation totale est de 12,6 grammes par litre (g/l).

 Débit. Le débit total des Sources Puantes serait de 120 litres par minute d’après les études menées par BRGM/OLADE en 1979.

Utilisations. Les Sources Puantes sont considérées comme un site mystique, thérapeutique et touristique. Ce point d’eau, à caractère sacré pour beaucoup de pèlerins et de visiteurs, est utilisé pour se débarrasser de la malchance appelée aussi déveine ou guignon.

  • Sources Chaudes ou Eaux de Boynes

Localisation. Assez connues en Haïti, elles sont localisées sur le bord intérieur de la Plaine de l’Arbre dans le département de l’Artibonite à environ 12 km à l’Ouest de Terre Neuve, à 30 km au Nord-Ouest des Gonaïves et à une quinzaine de km à l’Ouest de la commune d’Anse Rouge. Ces sources sont au nombre de six : Grossier, Vallière, La Fontaine, La Fortuna, Source des Dames et La Boue. Cinq des sources sont alignées le long d’une ligne remarquablement droite et sont très proches les unes des autres. La distance moyenne séparant deux sources consécutives est d’environ 50 mètres.

Origine des sources. Deux théories expliquent l’origine des Sources Chaudes d’Anse Rouge.

 La première avance que des eaux météoriques se seraient infiltrées à travers des masses rocheuses perméables constituées de calcaires fissurés et karstifiés et se seraient ensuite réchauffées au contact des masses de roches ignées chaudes situées à une grande profondeur dans le sol avant de remonter à la surface sous forme de source. C’est l’origine superficielle.
La seconde théorie veut que ces eaux chaudes s’échapperaient directement des masses de magmas encore chaudes et qui seraient en cours de refroidissement. C’est l’origine magmatique ou juvénile.
La structure géologique de la région est surtout caractérisée par une série de failles de direction Nord-Ouest/Sud-Est qui affectent les séries marneuses présentes. L’alignement remarquable de toutes les sources, à l’exception de la dernière, est parallèle aux directions de structure de la région. Les contacts géologiques observés, suggèrent très fortement que les eaux proviennent d’une zone de faille, portant à retenir la première théorie pour expliquer l’origine des sources.

Caractéristiques des sources

 Température. Les mesures de température effectuées par différents auteurs entre les années 1924 et 1979 ont donné les résultats suivants sur les cinq sources alignées :

  • Source Grossier : 49°C
  • Source Vallière : 45°C
  • Source La Fontaine : 49°C
  • Source La Fortuna : 43°C
  • Source La Boue : 48°C

Les résultats des mesures réalisées par OLADE/BRGM en 1979 indiquent que la température moyenne de l’ensemble des Eaux de Boynes serait de 50°C.

 Minéralisation. Les mesures en minéralisation effectuées par Woodring et al. en 1924 indiquent que les carbonates de chaux et de magnésie sous forme de bicarbonate sont relativement élevés. Les valeurs en sodium, potassium et chlorure sont basses, ce qui influe sur la salinité de l’eau. Le taux de sulfate est également bas d’où l’absence d’odeur de gaz sur le site. Le tableau ci-dessous donne en partie par millions (ppm), la composition chimique des Sources Chaudes ou Eaux de Boynes :

Débit. Le débit mesuré par Woodring en 1924 des cinq sources signalées ont été les suivantes :

  •  Source Grossier : 10 litres par minute
  •  Source Vallière : 20 litres par minute
  •  Source La Fontaine : 40-50 litres par minuteu
  •  Sorce La Fortuna : < 40 litres par minute
  •  Source La Boue : 15-20 litres par minute

Le débit total des Eaux de Boynes serait de 80 litres par minute selon l’étude menée par OLADE/BRGM en 1979.

Utilisations
Considérées comme les plus célèbres d’Haïti, les Sources Chaudes ont toujours joui de la réputation d’avoir des propriétés curatives, particulièrement pour les maladies de la peau et le rhumatisme, et ont été fréquentées par une multitude de malades.
Déjà à l’époque de la colonie française, Moreau de Saint Méry donna dans son ouvrage paru en 1797 une longue description des sources et de leur utilisation. Ces données ont été ensuite rapportées par Woodring en 1924. D’après l’Historien de Saint Domingue, les sources furent découvertes par un nègre nommé Capois en 1725. Leurs propriétés curatives furent rapidement mises en évidence et elles furent ensuite fréquentées par de nombreux malades de toutes catégories confondues qui ne manquèrent pas de vanter les propriétés de guérison de cette eau extraordinaire. En 1772, le propriétaire de ces sources, M. de Rameau, en fit don aux Autorités établies à cette époque pour une utilisation plus grande au bénéfice de la population.
Suite à ce don, furent construits un sanatorium et une maison de bains publics en maçonnerie dotée de 16 chambres. Ces sources ont été fréquentées par des invalides venant de partout qui en avaient accès à des prix raisonnables. Un hôpital militaire, avec chambres de bains séparées pour les soldats, fut également établi sur les lieux. Il est rapporté qu’un bateau faisant la navette entre Cap-Haïtien et Port à Piment deux fois par mois en profitait pour amener les gens faire des cures à Sources Chaudes.
Jusqu’en 1939, la mise en bouteilles des Eaux de Boynes se faisait et on les vendait sur tout le territoire national, car elles avaient un goût agréable. En ce qui concerne le village de Sources Chaudes, il possédait des avenues alignées d’arbres et de villas de vacances qui lui donnaient une allure d’oasis verdoyant au milieu d’une région semi-aride. Sous la présidence de Paul Eugène Magloire (1950-1956), une piscine alimentée par les eaux des sources fut construite par le frère du Président, Arsène Magloire. Il existe actuellement sur les lieux un petit hôtel d’une quinzaine de chambres disposant d’une piscine et des salles de bain pour accueillir les visiteurs.
Les Eaux de Boynes sont aujourd’hui très peu fréquentées par la population et utilisées essen-tiellement pour les usages domestiques locaux. Les installations anciennes sont en ruine y compris la structure de l’usine de mise en bouteilles des eaux.

  • Sources Chaudes de Los Posos

Localisation. Les Sources Chaudes de Los Posos se trouvent à environ 3 km au Sud-Est de la commune de Cerca-La-Source, non loin de la frontière Haïtiano-Dominicaine, dans le Plateau Central.
D’après les études menées par Woodring, les sources se retrouvaient à l’époque sur la propriété de M. Charles Zamor et étaient au nombre de cinq dont quatre sont disposées le long d’une ligne droite de direction N70°.

Origine des sources. Du point de vue géologique, la zone de Los Posos est recouverte en surface de formations calcaires détritiques recelant des sources froides et chaudes. Celles-ci ne proviennent pas de ces calcaires allochtones mais des formations perméables sous-jacentes constituées de calcaires et de grès en partie fissurés permettant la remontée des eaux au niveau des failles majeures observées dans la région. Les eaux thermales étudiées se distinguent nettement des eaux froides de surface (rivières et sources). La remontée des eaux chaudes venant de la profondeur a dû se faire rapidement car il existe un faible écart de température entre le réservoir d’eau chaude situé en profondeur dans le sol et les points d’émergence en surface, ainsi donc il existe une faible perte de chaleur par conduction lors du cheminement plus ou moins long de l’eau vers la surface.

Caractéristiques des sources

 Température. Les mesures de température effectuées par différents auteurs entre les années 1924 et 1979 ont donné les résultats suivants sur les cinq sources alignées :

  • Source Cantine : 36°C (Woodring, 1924) et 39°C (Antilus, 1979)
  • Source Ste Barbe : 38°C (Woodring, 1924) et 35°C (Antilus, 1979)
  • Source Taureau : 42°C (Woodring, 1924) et 40°C (Antilus, 1979)
  • Source Santa Lucia : 31,5°C (Woodring, 1924)
  • Source St Joseph : 40°C (Woodring, 1924) et 36°C (Antilus, 1979).

La source la plus chaude à Los Posos est celle de Taureau, elle atteint en moyenne 42°C. La température des réservoirs est assez proche de la température d’émergence.

Minéralisation. Le tableau ci-dessous emprunté à Woodring et al. en 1924 donne en partie par millions (ppm), la composition chimique des Sources de Los Posos :

La caractéristique chimique remarquable des eaux de Los Posos est sa grande proportion en chlorure alcalin (464) qui lui attribue une certaine salinité en absence de la mer. Cette augmentation est peut être due à la circulation de l’eau à travers les roches contenant une grosse quantité de chlorure. Quant à la présence de l’odeur du sulfure d’hydrogène, celui-ci a dû se produire par réactions chimiques conformément à la thèse qui stipule que « les sulfates d’une eau, par l’ascension de matières organiques, peuvent être, soit en partie, soit réduits entièrement en sulfures et en acide carbonique, agissant sur ceux-ci, peuvent expulser l’hydrogène sulfuré et produire des carbonates ».

 Débit. Le débit avancé pour les Sources de Los Posos a été estimé à 80 litres par minute.

Utilisations
Les Sources de Los Posos sont très peu utilisées bien qu’on leur prête communément une propriété thérapeutique, spécialement pour le traitement des maladies de peau. Dans le voisinage de deux ou trois sources, il existe des abris primitifs pour les baigneurs sans que le site soit aménagé à l’intention des visiteurs.

  • Sources Chaudes de Dame marie ou de Jérémie

Localisation. Les Sources Chaudes de Dame Marie ou de Jérémie se trouvent à 17 km au Sud-Ouest de la commune de Dame Marie et à 24 km au Sud-Est de la ville de Jérémie dans le département de la Grand’Anse. Il existe dans la région deux sources distantes environ de 50 mètres chacune. Ces deux sources se trouvent à l’Ouest de la Presqu’île du Sud : l’une est sur le bord de la rivière « Bras Gauche » et l’autre sur le bord de la rivière « Bras Droit ». Ces deux rivières sont les affluents de la rivière Grand’Anse.

Origine des Sources. Il est difficile de déterminer l’origine exacte de ces sources car leur température n’est pas assez élevée pour autoriser l’hypothèse d’une origine magmatique ou d’un échauffement par les intrusions ensevelies. Toute la chaleur qui émane de ces eaux peut aisément résulter de la circulation le long des fractures profondes, des joints ou des zones de faille.

Caractéristiques des sources

 Température. Les différentes mesures de température des eaux des Sources Chaudes de Dame Marie ou de Jérémie auraient indiqué des valeurs comprises entre 35 et 40°C selon Woodring en 1924 et une moyenne de 45°C d’après OLADE/BRGM en 1979.

 Minéralisation. L’eau n’est pas hautement minéralisée, ce qui exclut la probabilité d’une circulation à une profondeur considérable. Le sulfate alcalin et le chlorure alcalin sont relativement très élevés, surtout le sulfate. Les bicarbonates de calcium et de magnésium sont très faibles comparés aux eaux normales de la République. La silice est extraordinaire-ment élevée.

 Débit. Le débit de ces sources serait de 30 litres par minute environ d’après les études menées par OLADE/BRGM en 1979.

Utilisations
Les Sources sont peu utilisées par la population en raison peut être de leur difficulté d’accès.

Résultats des études menées en matière d’énergie géothermique

En vue de leur utilisation énergétique, les fluides géothermiques sont communément divisés en fluides à haute et basse enthalpie (quantité reliée à l’énergie d’un système thermodynamique, elle est équivalente à la chaleur totale contenue dans un système). On parle de basse enthalpie ou basse température lorsque le gisement d’eau chaude est situé à des profondeurs de quelques centaines de mètres jusqu’à environ 2 000 mètres pour des températures généralement comprises entre 30 et 90°C. La géothermie haute température ou haute enthalpie concerne les fluides dont les températures sont supérieures à 150°C et situés à plus de 1 500 mètres de profondeur.
Les travaux effectués en Haïti sur les Sources chaudes en 1979 et en 1983 ont abouti à la conclusion de l’absence de champ géothermique « haute énergie » et à la recommandation de poursuivre des investigations dans les domaines de « basse et moyenne énergie » dans les deux régions apparaissant comme les plus prometteuses : Los Posos et la Plaine du Cul de sac. Plusieurs endroits favorables ont été identifiés pour l’implantation de forages destinés à capter le débit maximum pour une température maximum.
En conclusion de l’étude, il a été souligné qu’un développement du débit par forage reste réaliste à Los Posos mais son utilisation en haute énergie ne semble pas possible alors que celle en basse énergie est tributaire d’une consommation énergétique sur place qui est absente actuellement.
Le profil thermique de la région des Sources Puantes correspond à un flux moyen relativement faible, de l’ordre de 40 à 50 mW/m2. Un débit maximum de 50 m3/h a été retenu. En conclusion, il a été souligné que la recherche géothermique dans la zone de Sources Puantes est peu favorable sous l’angle thermique. Le contexte géothermique semble être meilleur dans la partie Nord de la Plaine du Cul-de-Sac.

Conclusion

Au terme de ce survol sur les sources thermales, il nous sied de rappeler que seulement quatre sites ont été identifiés sur le territoire haïtien depuis plus d’un siècle. Entre temps, les infrastructures routières se sont améliorées et rien ne nous empêche de croire qu’il existe encore en Haïti d’autres sources thermales peut-être beaucoup plus intéressantes que celles déjà identifiées à date. La recherche de nouvelles sources thermales en Haïti est donc à effectuer.

Quant à celles déjà connues et exploitables dans l’immédiat, pour lesquelles certaines études prélimi-naires existent, il est possible de les comparer entre elles et de définir leurs caractéristiques :

  •  leur température varie entre 30 et 50°C ;
  •  leur débit va de 10 à 100 litres par minute ;
  • leur minéralisation varie d’une source à une autre comme l’indique le tableau ci-dessous (Antilus, 1980) qui donne la composition chimique des eaux en ppm :

On peut considérer les Sources Puantes comme des eaux sulfurées et salées, les eaux de Boynes présentent une prédominance en carbonates de chaux et de magnésium, sous forme de bicarbonate, les eaux de Los Posos sont de type chloruré calco-sodique, les eaux de Dame Marie sont riches en sulfate et chlorure alcalins ;
– les pH varient de 6,52 à 9,58 ;
– leurs origines sont liées à des eaux météoriques ou juvéniles circulant dans les formations fissurées et reçoivent leur chaleur par convection ou conduction ;

Un PPP (partenariat public/privé) est souhaitable pour une utilisation équitable des sources connues à des fins curatives et attractives permettant de créer des stations thermales rentables et des parcs nationaux pourvus de bains publics destinés à la population. La recherche sur ces eaux thermales par l’Université devrait être encouragée pour approfondir les aspects culturels et médicinaux de ces fluides chauds et minéralisés.
Quant à l’utilisation des sources à des fins géothermiques, il est recommandé d’entreprendre des études plus poussées en les orientant vers les énergies moyenne et basse enthalpie.

Bibliographie

– BRGM-BEICIP, Vol. 4 Substances énergétiques, 1988

-Haitian-Americans for Economic Development (HAFED), Projet de mise en valeur des Eaux de Boynes-Sources Chaudes, Avril 1997

-Maurrasse Florentin (1980). Présentations transactions du 1er colloque sur la géologie d’Haïti 27-29 mars 1980

– OEA, Mission d’Assistance Technique Intégrée, Vol III, Ressources naturelles, 1972

-Saint-Méry, Description topographique, physique, civile, politique et historique de la partie française de l’isle Saint-Domingue, 1797

– Wikipedia, internet, photos et articles

-Woodring W et al, Géologie de la République d’Haïti, 1924.

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Géominergie · Higher Education

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