Télétravail et télé action. La qualité comme objet de travail à distance

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1. LA MAINTENANCE DES AUTOCOMMUTATEURS MT25

1.1 Le système MT25
Le système MT25 constitue une gamme d’autocommutateurs téléphoniques électronique équipant le réseau France-Télécom. Comme le système E10 il appartient à la génération des commutateurs dits “temporels” dans lesquels la gestion informatique s’est totalement substituée à la gestion électromécanique des communication  prtp propre à la génératios d ‘équipements précédent. Ce type équipement dessert plussieur   dizaine de milliers d’abonné, Au niveau de la qualité de service, les centraux électroniques se caractérisent par un degré de fiabilité très supérieur à la génération électromécanique. Cependant, à la différence de ces derniers, en raison de la forte intégration des différents sous-éléments un défaut mineur peut entraîner une panne complète du système.

1.2 L’organisation de la maintenance à France Télécom
L’organisation de la maintenance des centraux électroniques de France Télécom comprend en simplifiant deux niveaux d’intervenants : les techniciens du Centre Principal d’Exploitation (CPE) et les techniciens des groupes de soutien.

Le CPE est .’établissement responsable de l’exploitation et de la maintenance des équipements télécom de son site. Les techniciens du CPE ont en charge des activités d’exploitation (observation de trafic, initialisation/cloture de fonctions ou de services spécifiques à l’abonné,…) et des activités de maintenance (surveillance du fonctionnement des équipements, analyse des signalisations, des messages de faute, des incidents,…). Ces techniciens sont affectés à l’entretien d’un seul autocommutateur (sauf lorsqu’ils assurent les permanences) qui comprend un “coeur de chaine” (calculateurs) et des unités d’abonnés raccordées dont certaines sont distantes du site central. Ils sont spécialisés dans la maintenance des matériels, leur travail de recherche est essentiellement un travail de détection de l’élément origine de la dégradation du service (localisation des équipements en panne, changement des cartes électroniques….).

Les groupes de soutien MT25 (comme leurs homologues de l’E10) constituent des entités à compétence régionale voire inter-régionale. Lorsqu’un technicien CPE confronté à un incident ou à une difficulté d’analyse ne parvient pas à résoudre un problème de maintenance, il fait appel à l’assistance du groupe de soutien. Ces groupes ont donc en charge l’assistance à la maintenance de plusieurs centraux téléphoniques. Les techniciens des groupes de soutien sont spécialisés dans la maintenance des logiciels (au delà de simple détection des organes en faute, ils analysent l’origine logique de la panne). En outre, leur confrontation aux cas les plus difficiles leur permet d’acquérir une connaissance des systèmes à un niveau élevé. Une partie de leur activité concerne l’information, l’aide méthodologique et la formation des techniciens des sites ainsi que l’amélioration du système MT25.

L’efficacité du dispositif de maintenance repose sur deux séries de principes :
– la rapidité d’intervention en cas d’incident ce qui suppose des dmeosy ienncsi drenaptsi d; es de signalisation des évènements, de diagnostic et de localisation
– le maintien des compétences des techniciens pour que les informations soient correctement interprétées et que les moyens d’intervention soient utilisés au mieux. Or le maintien des compétences constitue un réel problème compte tenu de la fiabilité du système.

1.3 Les outils de travail du technicien de maintenance

1.3.1 le RHM : terminal de télémaintenance
L’arrivée de la commutation électronique a bouleversé considérablement les méthodes d’exploitation et de maintenance des commutateurs avec, notamment, l’utilisation de terminaux informatiques permettant de dialoguer avec le logiciel des calculateurs centraux. Cette interface entre un opérateur et le commutateur, dont il est  charge d’assurer le fonctionnement, a été joliment baptisé relation honme machine (RHM).

L’évènement face auquel l’exploitant doit réagir se matérialise notamment par des messages de faute qui lui parviennent grâce au RHM(3). C’est également au moyen de ce terminal que l’agent du site peut initialiser des programmes de test, de localisation ou de réparation. Il y a environ cinq terminaux locaux par commutateur
pour éditer les messages d’incident, permettre l’analyse fine de l’origine des pannes  et la réalisation  des interventions de maintenance . Ces terminaux sont regroupés dans une salle speciale dite “salle d ‘exploitation”. séparée du commutateur. C’est donc à distance de ce dernier que le technicien du CPE effectue l’essentiel de son
travail de maintenance. Grâce aux RHM ou au moyen d’un terminal portable, il peut  également intervenir à distance pour la maintenance des unités périphériques
éloignées : soit à partir de la salle d’exploitation, soit du local de l’unité éloignée (pour dialoguer avec le logiciel du “coeur de chaine”). Lorsque le technicien est de
permanence chez lui (“en astreinte”) il peut même, s’il est équipé d’un module portable, intervenir grâce à sa ligne téléphonique. Les groupes de soutien disposent de possibilités identiques de dialogue à distance avec le commutateur, ceci leur permet de disposer d’une capacité de télé-diagnostic sensiblement égale à celle
techniciens locaux qui sollicitent leur aide , la plupart de leurs actions d’information et de maintenance s’effectue à distance du commutateur et des techniciens locaux.

1.3.2 la documentation  bientôt électronique
La documentation technique constitue le deuxième outil de travail du technicien. L’apparition d’une source documentaire descriptive très volumineuse (plus de 300 classeurs pour un central MT25) est une autre manifestation du bouleversement des méthodes de diagnostic qui ont accompagné l’arrivée des centraux électroniques. Autrefois un seul schéma suffisait là ou maintenant plusieurs classeurs sont nécessaires pour découvrir l’information décisive qui permettra d’effectuer le diagnostic. La lourdeur de cette documentation sur papier, son caractère disparate et la rapidité de son évolution en font d’ailleurs un instrument peu adapté à une recherche efficace. Nombreuses sont les interventions des groupes de soutien qui se réduisent à aider les techniciens locaux à trouver la bonne information dans la documentation, ce qui nécessite souvent un déplacement de leur part. Le projet de création d’une documentation électronique “intelligente”), devrait contribuer à limiter encore les  déplacements des groupes de soutien.

1.4 Téléaction et télé formation
L’intérêt de cette documentation électronique est multiple : il est plus facile de trouver une information à l’aide de l’informatique qu’en compulsant plusieurs volumes de papier. Au niveau des techniciens locaux la recherche devrait être plus rapide et moins dépendante de l’assistance méthodologique des groupes de soutien. On peut ainsi espérer accroître les capacités d’intervention des techniciens locaux ainsi que la souplesse et l’efficacité du système de télé-action global. Les mises à jour fréquentes qu’imposent les mutations incessantes du MT25 seront désormais effectuées en une seule opération sur le serveur centrai avec effet immédiat sur les sites de travail, les techniciens seront du même coup dispensés de la tâche longue et fastidieuse que représentaient les mises à jour des classeurs papier…

Cela dit, l’observation des pratiques montre que les efforts de recherche d’une information et les manipulations de mises à jour des classeurs ont une dimension formative. L’expérience montre en effet que les informations ainsi glanées restent en mémoire et il arrive fréquemment que face à une situation nouvelle l’un des techniciens se remémore une donnée cruciale pour l’intervention. Dans ce contexte, les facilités offertes par le serveur documentaire comportent des effets pervers : en épargnant aux techniciens les aléas de la recherche, la documentation électronique les prive du même coup d’une possibilité de capitalisation des informations et menace le maintien de leurs compétences. La rareté des occasions de recherche approfondie en raison de la fiabilité du système ne fait qu’accroître le risque d'”i (lettrisme” technique par manque de pratique. La solution envisagée est alors de recréer des activités formatives au moyen de dispositifs d’autoformation. C’est en automatisant la formation elle même que l’on parviendra à maintenir ia compétence des techniciens; on pense, par exemple, à des simulateurs ou à des didacticiels téléchargés complétés par un tutorat à distance exercé par les groupes de soutien.

2. LA TELEMAINTENANCE : ETUDE DIACHRONIQUE
Le passage de la commutation électromécanique à la commutation électronique a été à l’origine d’un processus de rationnalisation de l’activité de maintenance. L’organisation qui progressivement s’est mise en place est fondée sur le développement de la télé action. L’agent de maintenance se trouve désormais au centre d’un réseau technique et humain d’intervention à distance. L’efficacité de son intervention n’est plus liée à sa présence physique. On peut même dire que plus sa compétence est pointue plus sa zone géographique d’intervention est entendue (le rayon de tele action des groupes de soutien est superieur à celui des techniciens des CPE). Les tableau de la page suivante résume quelques uns des bouleversements évoqués.

Le technicien électromécanique évolue dans un environnement analogique : sa démarche de recherche l’amène à circuler physiquement parmi les équipements pour découvrir les informations dont il a besoin, à agir matériellement sur eux pour provoquer les évènements significatifs ou pour régler les éléments; il utilise des schémas de principes représentant spatialement les1 liaisons et les interdépendances entre les organes, … A l’opposé, le technicien électronique “navigue” dans un environnement symbolique et logique à l’aide des terminaux RHM et de la documentation sur le système; les schémas synoptiques, lorsqu’ils existent, n’ont plus rien à voir avec une représentation spatiale (à l’exception des schémas de câblage, peu utilisés), … Cette indépendance presque complète entre l’efficacité de l’action et la proximité physique ne cesse de croître avec l’amélioration des performances des systèmes et des applications. La différenciation progressive des formes de télé action devient le produit d’un processus endogène de rationnalisation de (‘organisation. L’une des formes nouvelles de cette organisation se traduit par l’expérimentation du CPEP 90 (5) dont les objectifs sont de :

– Garantir la continuité de la qualité de service aux heures non ouvrables.
– Contribuer à la prise en compte des services nouveaux et à leur exigence de qualité.
– Permettre le développement du marché de la qualité.

Soulignons le, contrairement aux formes de télé travail qui mettent en jeu des tâches informationnelles s’inscrivant dans un processus de production, la généralisation  du travail  à distance comme mode d’organisation de la maintenance des autocommutateurs se réfère à une logique d’amélioration de la qualité.

3. LE CHAMP PROBLEMATIQUE CLASSIQUE DU TELETRAVAIL

3.1 La définition des années 80
Les premières expériences de télétravail, lancées sous cette étiquette par France Télécom dans notre pays à la fin des années 70, sont probablement en grande partie  à l’origine de la  conception repose de façon plus ou moins implicite sur les postulats suivants :
• le télétravail est un travail à distance utilisant de manière intensive les nouvelles technologies de communication;
– l’archétype du télétravail est le télétravail à domicile à plein temps ;
– le télétravail a une fonction plutôt sociale (amélioration de la qualité de vie des télétravailleurs, revitalisation des zones enclavées,..) ;
– le caractère expérimental du télétravail fait partie intégrante de la notion.

3.2 La problématique de diffusion du télétravail
La problèmatique de diffusion des opérations de télétravail “traditionnelles” repose sur les éléments suivants :
– stratégie de délocalisation de personnes ou d’activités (redistribution géographique de l’emploi, aménagement du territoire,..)
– action volontariste appuyée par les pouvoirs publics;
– justification économique : réduction des coûts de transport, réduction des coûts immobiliers, réduction des coûts de main d’oeuvre (par exemple par délocalisation vers des économies à bas salaires), limitation des coûts d’équipement, volume d’informations traitées,…
– variable intermédiaire : mise en place d’un système socio-organisationnel adapté (gestion de l’autonomie et de l’intégration sociale du télé-travailleur).

4. LE TRAVAIL A DISTANCE : ETUDE COMPARATIVE

Plusieurs formes de télétravail correspondent de près ou de loin à ces critères. A titre d’exemples nous examinerons rapidement les cas du télé traitement et de la télé-vente pour les comparer à la télé action.

4.1 Le télétraitement ou produire à distance
Il s’agit de travaux de transformation d’informations dont le destinataire est un client interne ou externe à l’entreprise. On y trouvera par exemple les activités
suivantes : télétraitement de texte, saisie de dossiers d’assurances, télésecrétariat.

Dans cette gamme d’activités, le réseau et ses équipements périphériques sont utilisés à la fois comme outil de production et comme outil de transmission du produit fini.

Le développement du télétravail est généralement subordonné à l’action de facteurs de changement exogènes (délocalisation en zone rurale avec l’appui des
pouvoirs publics, délocalisation d’activités vers des zones à bas salaires,..).
La pertinence économique d’un tel dispositif se mesure directement au volume d’informations traitées et transmises (ce qui tend à générer un fort trafic télécom).

4.2 La télévente ou l’Intermédiatlon client produit
Il s’agit de travaux de promotion, de recueil et de saisie de commandes de produits à distance. Citons par exemple le cas des bureaux de prise de commande téléphonique (télélocaux du secteur de la VPC), de correspondants clients (à domicile, en télélocal ou à partir de sites variés : industrie), de télémarketing (à
domicile ou en télélocal)…
Le “télé-vendeur”doit pouvoir disposer sur place et en temps réel des informations et des instruments de transaction permettant de satisfaire le client. Le
réseau est ici un instrument d’analyse et de communication.
Le développement de ce type de travail à distance peut être conditionné par des facteurs endogènes (rationalité essentiellement économique : meilleures performances commerciales).
Le volume de transactions distantes (donc le fort trafic télécom) est un indice de performance du dispositif de télévente.

4.3 La télémaintenance ou la méta-médiatfon du télé acteur
Il s’agit de travaux de surveillance, contrôle de qualité et d’intervention à distance sur des systèmes automatiques de gestion et de transfert d’informations. Activités d’administration des réseaux dans lesquelles le télé acteur est le méta médiateur (6) du foctionnement du réseau. On citera par exemple: la télémaintenance des télécommunications, l’assistance à distance des réseaux informatiques , le contrôle des systèmes de gestion automatique des réseaux de distribution de gaz ou d’électricité … Le réseau est ici un outil  d’observation, d’analyse, de communications, et d’intervention à distance.

Le développement travail à distance est ici conditionné par des facteurs de transformation endogènes (niveau d’automatisation, rationalité organisationnelle: il
permet de concentrer ou de mobiliser rapidement les moyens techniques et humains pour assurer la meilleure qualité de service).

A l’inverse des cas précédents, le faible volume de transactions distantes (donc le faible trafic télécom) est un indice de performance du dispositif de télémantenaince.

4.4 Le réseau et la gestion du temps
Les trois modèles de travail à distance présentés précédemment se différencient aussi au niveau de la relation au temps. Le travail à distance apparaît
tantôt  limité  par des contraintes de temps, tantôt il est au contraire un moyen de s’affranchir de cette contarinte.

Dans le télétraitement, la distance pose la question du temps de transmission de l’information et de finition du traitement. Compte tenu des coûts de communication et du volume d’information concerné on limitera au stricte nécessaire les travaux on line. On choisit souvent une solution médiane : l’information à traiter (documents, audiocassettes,..) est expédiée par la poste, le produit de transformation et les derniers échanges visant les adaptations éventuelles s’opèrent par le réseau. Ceci limite le type d’information à traiter à des cas supportant une réalisation en temps différé.
Dans le cas de la télévente, au contraire, le réseau apporte un gain de temps par rapport aux solutions traditionnelles. En effet, dans la VPC, notamment, les télécom se sont substituées aux commandes par courrier. Le réseau permet d’agir en temps réel tant au niveau de la sollicitation du client que de la saisie de sa commande.
Dans le cas de la télémaintenance, plusieurs types d’évènements peuvent être distingués : les événements exigeant une réponse immédiate et une action physique, les événements exigeant une réponse immédiate de nature immatérielle et les événements supportant une intervention différée. Selon le degré d’urgence et la nature (matérielle ou logicielle) de l’intervention requise la distance physique qui sépare l’intervenant de la cause du problème revêt un caractère plus ou moins contraignant. Il n’y a donc pas de relation simple entre la gestion du temps d’intervention et les performances du réseau, même si l’on considère que le développement des automatismes réduit de plus en plus les occasions d’interventions physiques. L’organisation apparaît ici l’élément clef qui permet d’apporter la réponse adéquate au problème dans les temps voulus.

CONCLUSION
L’exemple du développement du travail à distance dans la télémaintenance des autocommutateurs téléphoniques constitue, nous semble-t-il, une base de réflexion intéressante sur une typologie de télétravail à positionner comme anti modèle des formes “classiques”. Il s’agit :

– d’un système organisationnel global par opposition au caractère ponctuel et difficilement reproductible de nombreuses opérations labellisées “télétravail”;
– de la résultante d’un processus de transformation endogène subordonné au développement des automatismes, alors que les autres cas reposent surtout sur le concours de facteurs exogénes.

– d’une forme de ratinonalisation du travail liée au souci croissant de maîtriser les risques et les aléas et d’améliorer la qualité de service. A l’inverse, le télétravail
“classique” est souvent présenté comme une solution à la recherche de problème, l’activité des télétravailleurs s’inscrit directement dans un procès de production;

-d’un travail à distance dont l’indice de performance n’est pas en correlation directe avec le niveau de trafic télécom. A l’inverse on peut trouver des correlation
entre l’efficacité économique d’une station de télétravail “classique” et le volume d’informations traitées et diffusées.

Notes
(1) Les observations rapportées ici sont extraites d’une étude socioorganisationnelle préalable à la mise en place d’un serveur documentaire pour l’exploitation des autocommutateurs MT25 de France Télécom. Le rapport de synthése est paru sous le titre audit des pratiques documentaires”, étude pour I’ODAT/OCIDAC,J.C Marot idate 1990.
(2) télé-dactylographie en France, télé-saisie de dossier d’assurance en Irlande, télé-traitement des coupons de vol dans les Caraïbes, …
(3) certains signaux se manifestent visuellement par des lampes.
(4) à l’étude de laquelle l’Idate a participé (voir (1)).
(5) (note de présentation/ générale du schéma directeur de l’exploitation technique de France Télécom,DPR/SCES/89-324)
(6) selon la terminologie de Laurent Gilles.

Tire du texte: Jean Claude Marot

https://www.persee.fr/doc/netco_0987-6014_1991_num_5_2_1116

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Education · FNUIPH · Higher Education · Technology

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